Miss Crise

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juin 8, 2014 #News, Choniques, Non classé Commentaires fermés

DSC_7857 (Copier)Vous avez aimé la crise de 29, la flambée du prix du pétrole, les émeutes de banlieues, la poussée du chômage, la multiplication des violences ordinaires, la baisse du pouvoir d’achat, la montée de l’extrémisme ? Alors vous aimerez Miss Crise et son cortège de tracas au printemps !

Aujourd’hui à Paris, Miss Crise toute de Récession vêtue fête ses 20 ans ! Ah le bel âge ! Ce n’est plus un enfant. Miss Crise est au printemps de sa beauté, dans la fleur de l’âge, à son apogée ; vigoureuse, mordante, ardente comme une guerre au sommet. Il faudrait la marier avec un petit dictateur d’été ou un sombre moral automnal ! « Chut taisez-vous et laissez-moi passer ! » a dit Miss Crise à la ville de Paris. C’est son grand débarquement, son Bal de la Rose à la petite pépé. L’hiver a eu l’élégance de se retirer à temps pour la laisser parader sous les flashs des paparazzis, les « Hourras » et les cris : « Miss Crise, par ici ! Un sourire ! Miss Crise un autographe ! Miss Crise d’où tenez-vous votre force et votre inspiration ? Miss Crise une photo souvenir, par ici ! » C’est beau une crise au printemps. C’est créatif.

Crise mondiale versus moral d’acier. Crise 1 moral 0. Le match bat son plein.

Et Miss Crise avance en belle compagnie : hausse des prix, suppressions d’emplois, économies envolées, bourse agitée… Les voilà ses amies, ses alliées ! Depuis des mois pour lutter contre la fringante Miss Crise et ses hormones de femme chavirées, chaque Parisien y va de sa petite solution. Le très sérieux bureau des tendances affirme : « ce printemps la mode s’aligne sur la baisse du pouvoir d’achat en collection récession, les filles seront vêtues de robes de dentelles de dollars, des colliers d’euros au cou, chez les hommes on notera le grand retour du bout carré avec la fameuse chaussure lingot d’or ! » Et quoi ? Il faut bien mettre son argent en sécurité. Le parisien est malin !

Jeudi noir. C’est la grève à Paris mais Miss Crise s’en moque elle est habituée. Dame Dépression fait d’ailleurs une entrée remarquée pour lui prêter main-forte en robe « gris désespoir ». Les Parisiens ripostent, une manifestation de plus « et demain c’est le printemps ! » « Ah ça ira, ça ira, ça ira ! » tradition française. Ca sent la Révolution, ça ressemble à la révolution, ça a l’odeur de la Révolution. Et pourtant rien ne bouge. Et ce jeudi dans le cortège bariolé de la grève au milieu des effluves de merguez seules les joues des enfants sont tendres. On en croquerait de la joue de bébé.

Le mec du bistro donne son opinion « les mesures politiques sont les caches sexe des vrais problèmes ! », la comédienne jubile « il faut se serrer la ceinture, tant mieux la tendance est à l’anorexie ! », le poète maudit est inspiré « La crise une aubaine pour la création ! On n’a jamais aussi bien écrit ! », l’ouvrier philosophe sur son licenciement abusif « il faut s’indigner toujours !  Il n’y a que la peur qui peut emprisonner les destins, essouffler les rêves, menotter l’espoir !», les dirigeants implorent « il faut faire un effort pour la France ! On va quand même pas se plaindre d’avoir la crise du siècle à gérer ! », les traders spéculent sur leurs reconversions « vite un paradis fiscal, une île déserte, un eldorado ! », les vieux aveuglés par les premiers rayons de soleil s’émerveillent « Vous avez vu le temps ? Ah ça oui ! Quel temps ! C’est le printemps ! Ca fait du bien ! D’avoir du soleil enfin ! Ah ça oui, ça fait du bien au moral ce temps ! Faut espérer que ça va durer ! On peut jamais savoir dans ce pays ! C’est sûr, on n’est pas verni avec la crise ! Pourvu que ça dure ce temps ! Ca au moins on peut pas nous l’enlever ! », les jeunes se questionnent «  Et si on avait besoin de moins pour exister ? »

Le printemps marque un point !
Paris sera toujours Paris !
Crise 1 moral 1.
Egalité.
Paris mitraille, Paris palpite, Paris frémit.
Et redevient carte postale.
Paris clichés.
Paris capitale du souvenir vit dans son passé.

C’est le printemps, le soleil réchauffe les âmes, essore les peurs, la bourse se cache, une vache passe près du cortège maintenant dispersé des manifestants. Rien ne bouge, tout est calme à présent. Les parisiens ont retiré leurs manteaux de revendication. Vivement les vacances pour oublier. On finit la grève avec un petit café serré en terrasse, lunettes noires pour oublier. Calme plat.

Dans le ciel de Paris Panam’, Panam’, Panam’ et le cœur de ses habitants, il pleut du champagne et des frous frous, des rêves de Rolex et de dollars, des chansons populaires et des rires de filles, des envies de bébé en pagaille, du bling bling et des falbalas, dans le ciel de Paris, Panam’, Panam’, Panam’, il pleut des rêves d’aurores boréales, de volupté et de taffetas de soie…. Mais du pouvoir d’achat que dalle !

Aujourd’hui Miss Crise toute de récession vêtue fête ses 20 ans, Ah le bel âge ! ce n’est plus une enfant… C’est le printemps et Miss crise a mis ses plus beaux habits de gala pour narguer en grande pompe sur la carte postale la très vieille ville de Paris…

Crise 2 moral 1. Fin de partie. A suivre…

©Lauréline Kuntz